L’apprentissage organisationnel revêt un caractère proche du sacré : les managers essaient, échouent, révisent, créent des routines plus performantes et font progresser l'entreprise. Et s'il s'agissait là d'un mythe ? Il existe une stratégie des petites défaites, l'erreur étant moins douloureuse, la leçon, plus vite tirée. Vraiment ? Pour le savoir, les auteurs ont invité les managers d'une puissante entreprise à éclairer vingt ans d'échecs, conduisant jusqu'à 20 milliards d'euros de pertes.
D'une façon générale, les managers imputent les grands échecs à l'histoire, celle qui façonne les industries et leur destin. Ils ne font pas le lien entre les nouveaux et les anciens échecs, pas même ceux qui en ont vécu plusieurs. Les entreprises taisent ces grands échecs. Ceux-ci s'échelonnant sur de longues périodes, on admet aisément leur étendue dès lors qu'elle résulte d'événements passés.
La « stratégie des petites défaites » renforce les mythes historiques et rationnels de l'organisation : « aléas expérimentaux », « on n'aurait jamais dû changer », « s'en tenir à ce que l'on sait faire » … Les enseignements d'un succès incitent à renouer avec l'origine des succès du passé - jusqu'à devenir carcan ou source d'échecs.
L'apprentissage organisationnel, en cette matière, est improbable dans un groupe partagé en divisions. La pauvreté de la communication est flagrante : impossible alors de discerner les problèmes vitaux sous la couche des problèmes
triviaux. Pour apprendre d'un échec, il faut déjà qu'on le considère comme tel.