Alors
qu’à chaque rentrée, des jeunes gens brillants et (sur-)diplômés font leurs
premiers pas en entreprise, ils se rendent rapidement compte que si c’est grâce
à leur intelligence et leurs capacités de réflexion qu’ils ont été recrutés,
personne ne s’attend à ce qu’ils utilisent ce potentiel une fois en poste.
C’est
ce que le spécialiste des comportements en organisation André Spicer nomme le
«paradoxe de la stupidité», qui veut que les plus aptes se retrouvent dans des
environnements où leur adaptation passe par une désactivation de leurs
capacités à prendre du recul sur la situation (…) pour en arriver à la
conclusion que les salariés fraîchement recrutés s’attendent à relever des
défis intellectuels stimulants mais qu’au lieu de cela, ils se voyaient
attribuer des tâches routinières qui leur paraissent sans objet, dans
lesquelles la présentation compte plus que le fond. Sans oublier les contraintes
bureaucratiques envahissantes qui occupent une grande partie du temps
travaillé. (…)
La
thèse d’André Spicer est que toute l’organisation est structurée autour de
cette obligation de ne pas trop (se) poser de question, à rebours de tout ce
qu’enseigne la sagesse managériale contemporaine.
« En évitant de trop réfléchir, écrit le
chercheur, [les salariés] peuvent se
concentrer sur la résolution des problèmes. Contourner le type de questions
dérangeante que la réflexion peut mettre en lumière autorise les employés à
éviter les conflits avec leurs collègues. »
Le
paradoxe veut donc que des gens par ailleurs intelligents et conscients de
l’absurdité de la situation à titre individuel acceptent un fonctionnement
collectif basé sur la stupidité comme ligne de conduite des organisations.