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« PETITS ÉCRITS » SUR LE MANAGEMENT : le blog

Gouvernance et maîtrise des SI : Quelles différences ? Quels rapports ? Quels apports ?

ADELI se définit comme l’Association pour la Maîtrise du Système d’Information. A l’occasion de cette Lettre qu’elle consacre à la Gouvernance du SI, je vous propose de nous interroger sur les différences et les rapports entre les thèmes de la gouvernance du SI et ceux de la maîtrise du SI.

C’est un fait avéré : la notion de système d’information est difficile à expliquer. Elle se révèle bien plus difficile à comprendre quand on a bien d’autres choses à faire. Ce cas est celui de la majorité des personnes qui doivent participer à la gouvernance du SI : Directeurs Métier et DG. Pour atteindre leurs objectifs, les professionnels du SI doivent agir pour prendre en compte cette première réalité.

Dessine-moi un SI

 Doit-on retenir Togaf, Zachman ou un autre ? Les experts ne sont jamais pas d’accord entre eux, et c’est plutôt sain. Ce qui pose problème, ce sont les difficultés de communication sur le SI dès les premières tentatives avec les Directions Métier. Si nous parlons de gouvernance du SI, pensez-vous qu’ils soient alors disposés à s’impliquer sur le partage de responsabilités avec la DSI ? Certainement pas.

Depuis plus de vingt ans, le titre de Directeur Informatique a laissé la place à celui de DSI. Cette transformation d’appellation s’est accompagnée du développement, incomplet mais significatif, du rôle de Maître d’Ouvrage. Peut-on dire que les responsabilités soient tellement mieux délimités aujourd’hui qu’hier ? Pas tant que cela.

Certes, les Directions Métier ont pris conscience de leur rôle dans la définition de leur SI. Mais quand arrive un moment difficile où s’exerce vraiment la responsabilité, c’est encore souvent « à cause de l’Informatique ». D’ailleurs, le retour sur investissement des projets « informatiques » doit souvent être justifié par la DSI, alors que ce ne sont pas les siens.

La notion de SI n’est pas compliquée. Elle est complexe : il y a plein de concepts et de composants en interaction. Le glissement du concept de système informatique (périmètre technique) au système d’information nous a fait franchir au moins un degré de complexité, dont l’échelle de mesure est exponentielle.

Nous parlons donc bien de la notion de système complexe qui émerge depuis une trentaine d’année dans de multiples champs de la pensée comme un « nouveau paradigme ». Ce n’est pas toujours limpide. De plus, la notion d’information n’est guère plus claire, située entre la connaissance (de qui ?) et la donnée (qui vient d’où ?).

Comment espérez-vous impliquer et responsabiliser des gens raisonnables sur un thème que l’on a tant de mal à définir, et donc à partager ?

Ne bougez pas, je maîtrise …

Lister les concepts et leurs interactions qui composent un SI est d’une l’ambition démesurée pour cet article. Régulièrement et par vocation, ADELI les étudie et les expertise dans de nombreux articles, présentations et ouvrages de référence.

La connaissance des adhérents et des autres lecteurs de la Lettre est largement suffisante pour que je me contente d’évoquer ici :

  • Les aspects fonctionnels et organisationnels,
  • Les aspects relatifs au développement et à la gestion applicative,
  • La gestion des projets ou des évolutions sous toutes ses phases, dont celle de l’expression des besoins,
  • Les aspects de la production informatique, dont ceux de la qualité de service au quotidien.

Mais que peut bien vouloir dire l’expression « maîtrise des systèmes d’information » ? De mon point de vue, la maîtrise des SI doit embrasser les aspects fonctionnels et organisationnels, mais uniquement en fonction de leurs interactions avec le système informatique. Raisonner plus largement diminue la compréhension du champ d’étude, et nuit à la maîtrise du SI et à sa gouvernance, car « qui trop embrasse, mal étreint ».

La maîtrise d’un système répond à deux préoccupations distinctes : la qualité de fonctionnement du système, la capacité à le faire évoluer.

La qualité de fonctionnement s’applique sur le système en service. Elle vise à s’assurer que les sorties du système (output) en fonction des entrées (input) sont bien conformes à ce qu’on avait envisagé. La réponse du système doit rester dans une plage de réponses acceptable, et dans la durée. Les pragmatiques vous le diront : « Quand çà marche, on ne touche à rien ! » Pour l’optimisation, on verra plus tard.

La seconde préoccupation de la maîtrise des SI vise à s’assurer qu’un changement sur un composant du système puisse apporter les bénéfices attendus. C’est le domaine de l’étude d’impacts et de la mise en œuvre des changements. Cette préoccupation existe sur la couverture fonctionnelle et applicative (gestion des évolutions), le déroulement des projets (gestion des exigences), les mises en exploitation (gestion des changements).  

Restons modeste. Réaliser un changement sans constater de dégradation importante est déjà une réussite. La majorité des dérapages sur les projets viennent de l’instabilité des besoins. 80% des incidents en exploitation proviennent des changements mal évalués.

Maîtriser un SI nécessite donc de savoir mobiliser des référentiels de type « boîte noire » et de type « boîte blanche ». Les premiers mettent en relation les attendus du système et ce qu’il fournit effectivement. Les référentiels de type « boîte blanche » décrivent finement les états du système (existant et futur) et permettent de prévoir les impacts dus au changement. Nous sommes alors dans la gestion de configuration généralisée …

Maîtriser un SI nécessite aussi de démontrer qu’on sait utiliser ces référentiels, dire comment on les a obtenus et pourquoi on peut certifier leur qualité. C’est l’objet des méthodes de conduite de projet et des démarches basées sur les processus, comme ITIL, CMMI, …

La maîtrise d’un SI ne se conçoit que pour l’action. Elle englobe donc les ressources nécessaires au fonctionnement et à l’évolution du SI. D’importants progrès restent encore à faire, comme par exemple sur les budgets, les achats ou le management des ressources humaines.

Sur les budgets, la maîtrise du SI ne porte que sur des coûts, car les bénéfices – donc sur l’analyse de la valeur du SI – sont ailleurs. On en parlera plus loin à propos de la gouvernance.

L’activité d’une DSI baigne dans l’économie de l’immatériel, son système de coûts devrait souvent déroger à celui de l’entreprise. Mais ses unités d’œuvre et clés de répartition spécifiques intéressent peu les contrôleurs de gestion : une DSI ne représente environ 5 % des budgets de l’entreprise.

Depuis quelques années, les directions Achats ont fait progresser les DSI. Toutefois, certaines particularités des SI provoquent toujours des mouvements de balancier – comme par exemple sur l’externalisation - qui doivent plus à des prises de conscience tardives qu’à de purs effets de mode.

Enfin, la gestion des ressources humaines n’est pas au niveau : organisation cloisonnée, management au quotidien, dimensionnement d’effectif, formation trop technique, parcours ou évolution professionnelle floue, absence de gestion prévisionnelle, … C’est surprenant dans une activité où les écarts de productivité individuelle vont de 1 à 20, et où le moral des troupes impacte directement l’avancement des tâches.

Maîtriser un SI, c’est donc s’assurer que le système en service marche et qu’on saura le faire évoluer. Cela nécessite souvent de connaître assez précisément la configuration du système. Maîtriser un SI, c’est aussi s’assurer qu’on dispose des ressources pour le faire marcher et le faire évoluer, qu’on sache les organiser efficacement aujourd’hui et probablement demain aussi.

Gouvernance du SI : un peu de contrôle et beaucoup de stratégie, ou l’inverse ?

De nos jours, toutes les organisations reconnaissent que les technologies de l’information et des communications sont indispensables à leur fonctionnement et à leur développement. La simple automatisation des procédures génèrent des gains de productivité directs. Les SI permettent aussi de reconfigurer les processus. Leur potentiel permet même d’envisager de nouveaux modèles d’affaire : nouvelles offres, nouveaux marchés, partenariats stratégiques, …

Considérée de manière isolée, l’informatique ne peut représenter qu’un coût de développement et d’exploitation. Tout bon gestionnaire cherche alors à le diminuer. Mais si la valeur du SI dépend de l’usage qu’on en fait, son optimisation nécessite une coopération forte entre la DSI et les Directions Métiers. C’est l’objet de la gouvernance du SI.

Quatre thèmes doivent être abordés dans une démarche de gouvernance du SI :

  1. L’alignement du SI sur les objectifs stratégiques des Métiers,
  2. La gestion du portefeuille des projets d’investissement,
  3. Le fonctionnement et l’optimisation du patrimoine,
  4. Le pilotage du SI

Personne ne sera surpris de trouver des correspondances avec la « Maîtrise du SI ». C’est heureux car nous parlons du même SI, de la même DSI, de la même organisation ! J’espère que vous me pardonnerez de n’aborder que l’alignement stratégique qui est à mes yeux le complément majeur de la gouvernance du SI par rapport à la maîtrise du SI.

C’est bien de savoir mettre en œuvre un SI. C’est encore mieux de savoir le faire à moindre coût. Mais met-on en œuvre le SI dont l’entreprise à vraiment besoin ? L’objectif de l’alignement du SI sur les objectifs stratégiques des Métiers est d’analyser la pertinence de la couverture applicative.

La grille ci-dessous est un des outils de référence de l’alignement du SI sur les objectifs stratégiques des Métiers :

 

L’axe vertical illustre les différentes considérations de l’informatique qui peuvent coexister dans une même organisation. Génériquement, l’informatique peut être à la fois envisagée :

  • comme une simple commodité (« utility ») au même titre que l’eau, l’électricité, le gardiennage, …
  • comme un « mal nécessaire pour faire tourner la boutique » …
  • comme un levier de performance et de compétitivité.

L’axe horizontal - la position relative (faible, moyenne ou forte) - concerne d’abord l’existant. Elle interpelle la maîtrise du SI : quels SI maîtrisons-nous ? Maîtrisons-nous suffisamment les SI qui portent les avantages compétitifs ? N’accordons-nous pas trop de ressources – en quantité et en compétences – à des systèmes banalisés ? …

Toutes ces informatiques sont nécessaires - essayez de couper l’électricité pour voir ! - mais chacune ne nécessite pas le même niveau d’implication des Directions Métier et de la Direction Générale.

Même à l’heure du Développement Durable et du « Green IT », il serait risqué de vouloir trop impliquer un DG dans une gouvernance de la consommation électrique …

Les degrés d’importance stratégique structurent une démarche de gouvernance des SI. L’exercice doit aller plus loin que le SI existant : des activités « métiers » pas ou peu couvertes aujourd’hui mériteraient peut-être de l’être. Par nature, toute stratégie évolue et l’innovation est son moteur principal.

Pour améliorer la valeur du SI, il faut accroître la capacité de collaboration entre les personnes, représentants de la DSI et des Directions Métier. Il faut adapter les démarches et outils qu’ils doivent employer. Comme le champ d’étude des SI est vaste, la mobilisation doit être différenciée, optimisée. Elle ne peut jamais être nulle puisque toutes les informatiques sont nécessaires.

Par exemple, certaines interprétations de Cobit tendent à mobiliser un maximum de ressources indépendamment de l’importance stratégique. La seule recherche de conformité et de sécurité se transforme alors en risque, si la stratégie réclame de l’innovation et de la différentiation.

En fonction du degré de maîtrise supposé d’une partie du SI et de son importance stratégique, la gouvernance du SI se contera de mettre en place un système de contrôles formel (et externalisables sur des auditeurs certifiés), ou au contraire fera émerger un espace de collaboration, d’innovation et d’expérimentation.

Le premier objectif de la gouvernance du SI doit donc positionner les sujets à traiter en fonction de la différentiation stratégique, mobiliser au maximum les acteurs du SI sur ceux qui peuvent présenter des opportunités stratégiques, convenir des dispositifs minimaux de contrôles de performances sur les autres.

Si la valeur du SI vient de son usage, les premières mesures des gains n’arrivent que plusieurs années après les premières décisions d’investissement. Il faut mener les projets et livrer les produits, réussir les déploiement souvent dans une nouvelle organisation ou/et sur de nouveaux marchés, passer les périodes de stabilisation et de monter en puissance des processus.

Sur le long terme, la gouvernance doit mettre en place un dispositif de mesure de la valeur, qui doit être institutionnalisé. Ce temps doit être aussi mis à profit pour élaborer avec les contrôleurs de gestion un modèle de coûts-bénéfice propre aux processus concernés.

Le système « Gouvernance-Maîtrise »

Quand j’ai un doute, je préfère considérer deux choses comme étant différentes, quitte à m’apercevoir après qu’on peut les fusionner. La démarche inverse fait courir le risque de tout mélanger : tout est dans tout, et inversement …

Distinguer la « maîtrise du SI » de la « gouvernance du SI » permet de clarifier les objectifs, les démarches et les responsabilités. Si une partie de la « maîtrise du SI » relève bien des Métiers et de sa Maîtrise d’Ouvrage, la dynamique de la démarche et l’essentiel des travaux relèvent de la responsabilité de la DSI.

Symétriquement, la DSI ne peut que proposer une démarche de gouvernance du SI. La DG et les Directions Métier doivent s’y impliquer, et notamment sur l’alignement stratégique. La DSI doit alors apporter sa connaissance du SI et sa capacité à évaluer les technologies et leurs potentiels. La DSI peut apporter une connaissance de l’entreprise souvent différente, car plus transversale et dynamique. Bien sûr, toute pointe de créativité est bienvenue.

L’expérience montre qu’il est préférable de lancer une démarche de gouvernance après s’être assuré qu’un bon niveau de maîtrise du SI soit déjà acquis. Le risque de perte de légitimité de la DSI serait alors important. Trop de doutes ou d’incompréhensions des Directions Métier les feraient abandonner la démarche, et pour longtemps …

 Peut-on reprocher à une DSI de vouloir renforcer sa maîtrise du SI ? Certainement pas. Indépendamment de tout dispositif de gouvernance, c’est sa mission principale ! L’existence d’un dispositif de gouvernance du SI renforce la mobilisation des équipes en interne – les Directions Métiers et la DG vous regardent – et facilite les rapports avec les Maîtres d’Ouvrage.

La gouvernance du SI apporte du « sens » au travail des acteurs du SI, reconnaît leurs contributions et les intègre à tous les niveaux d’enjeux de l’organisation. Ne peut-on pas alors dire que la gouvernance du SI contribue de cette façon à la maîtrise du SI ? ;-)


Alain GUERCIO

Texte initialement édité dans La Lettre de l'ADELI


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