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« PETITS ÉCRITS » SUR LE MANAGEMENT : le blog

Gouvernance et innovation : Rencontre avec Nord Zoulim, Laurent Houmeau et Alain Guercio

Alain Guercio et Laurent Houmeau, adhérents d’ADELI, sont directeurs associés du cabinet e-media management. Ils ont, à ce titre, accompagné depuis 15 ans, de grandes structures avec des services informatiques importants. Nord Zoulim a été DSI Groupe de la Caisse des Dépôts et Consignations, et élu notamment DSI de l’année 2002 sur le thème de la Gouvernance des SI.
Ils ont eu le plaisir de travailler ensemble et apportent leurs témoignages croisés sur les difficultés de la gouvernance qu’ils ont eu à traiter de manière opérationnelle.

L’exposé introductif d’Alain Guercio

Le potentiel d’innovation dans la gouvernance des SI réside dans la capacité de mobilisation des représentants « métiers ». En l’enfermant dans des démarches uniquement formelles, on risque d’oublier l’essentiel : développer la coopération entre les acteurs pour améliorer la valeur du SI.

Alain Guercio commence son exposé par une petite anecdote, celle d’un DSI qui prend l’ascenseur, tombe sur son DG et essaye d’en profiter pour lui suggérer la mise en place d’un système de gouvernance des systèmes d’information. Le DG lui explique alors la signification de ce terme de gouvernance qui évoque pour lui contrôle par les administrateurs, comité d’audit et comité des rémunérations. La gouvernance est souvent mal vécue par les dirigeants.

D’après la Commission européenne, la gouvernance est la manière dont l’Union utilise les pouvoirs qui lui sont conférés par ses citoyens. La gouvernance d’entreprise couvre l’ensemble des processus, réglementations et instances cadrant la manière dont l’entreprise est dirigée et contrôlée. Elle cadre les relations entre l’actionnaire et la direction : Conseil d’administration, Comité d’Audit, Comité des rémunérations. Son objet n’est pas d’instaurer une collaboration, mais de contrôler l’exercice d’un pouvoir.

Dans l’ascenseur du petit matin, le DSI doit donc choisir les termes en fonction de leurs connotations quand il aborde le sujet avec son DG …

De quoi parle-t-on ?

Pour l’IGSI [1], la gouvernance du SI regroupe un ensemble de structures et de processus de commandement et de fonctionnement qui font en sorte que les Technologies de l’Information apportent leur soutien à la continuité et au développement des stratégies et objectifs de l’entreprise.

Alain Guercio et Laurent Houmeau posent la question à l’auditoire : « À quoi associez-vous la notion de gouvernance ? »

Les réponses sont multiples : alignement stratégique, système de pilotage, urbanisation, modèles de matu-rité gestion des risques, contrôle de gestion, suivi des coûts, des délais, mesure de la performance des SI. Il semble que tous les référentiels se retrouvent dans le concept de gouvernance.

Alain Guercio identifie sept dispositifs essentiels de la gouvernance des systèmes d’information :
  1. Le référentiel CobiT en matière de contrôle de ges-tion et pilotage des processus ;
  2. ITIL pour la production informatique ;
  3. CMMI pour la maturité des processus de dévelop-pement ;
  4. Les méthodes de management de projet ;
  5. La gestion de portefeuilles de projets ;
  6. L’urbanisation des systèmes d’information ;
  7. Enfin, l’alignement stratégique par rapport au métier.
Nous nous limiterons à ces sept-là, déclare-t-il, car la liste peut s’allonger significativement, d’autant plus que chaque démarche peut faire appel à d’autres …

La gouvernance est une innovation

La mise en perspective de cinq prises de conscience fait que la gouvernance du SI peut être considérée comme une innovation.

1/ La première, et donc la plus importante, est marquée par le constat indiscutable de l’importance de l’information dans les organisations et la bonne marche des entreprises [2].

Face à la concurrence mondiale, un effort d’innovation et d’utilisation pertinente des techniques numériques représente une nécessité incontournable. Malgré certaines campagnes de dénigrement, il n’existe aucun doute sur les apports en termes de productivité et de compétitivité.

Il ne s’agit plus seulement de « motoriser » des procédures ou des règles de gestion, mais de revoir complètement l’organisation, les activités, voire l’offre proposée aux clients.

2/ En reprenant une formule de Clemenceau, la seconde prise de conscience postule que la gestion du SI devient trop importante pour être laissée aux mains des seuls informaticiens. Nous entrons dans l’économie de la connaissance, les DG et les directions métiers doivent faire fructifier le capital immatériel [3].

3/ L’impératif de professionnalisation dans la gestion du SI s’impose comme la troisième prise de conscience, aux acteurs du SI celle-là. Elle doit se déployer suivant trois axes [4] :
  1. la pertinence,
  2. la performance,
  3. la productivité.
Quand on parle de performance et de productivité, l’industrie, la vraie, surgit comme une référence incontournable. Il faut donc s’industrialiser, et adopter une approche par les processus assurant un déroulement récurrent et transversal à différentes activités. Il est nécessaire de rompre avec l’individualisation, le culte du héros et ses interventions « pompier ».

Comme les industriels, on va construire des usines et s’assurer qu’elles tournent rond. On a d’autant plus raison qu’en informatique le fonctionnement du SI au quotidien, l’exploitation, représente souvent entre 60 à 80 % du budget de la DSI.

Symétriquement, des usines de développement s’occuperont des projets. Le seul risque dans l’adoption trop rapide des modèles industriels réside dans la notion même d’industrialisation. Elle suscite une référence aux principes de l’organisation taylorienne du travail. L’industrie, la vraie, les a fortement remis en cause, notamment quand il a fallu opérer en environnement complexe, incertain et fluctuant… Nous y reviendrons.

4/ La quatrième prise de conscience concerne la gestion dans la durée.

Même les DSI « terroristes » n’envisagent plus la refonte totale des SI sur trois ans. La compétence technique reste indispensable et nous ne sommes pas encore à : « Passe-moi ta clé Allen, j’ai une six pan creuse de 5/64 ! » .

Le nouveau Schéma Directeur des SI intègre les apports de l’alignement stratégique du SI et de l’urbanisation du SI. Ses réactualisations deviennent tellement régulières qu’on peut les dire permanentes : une des conditions pour un SI agile.

5/ Enfin, la cinquième prise de conscience, la gestion du SI est un métier en soi. Il dispose de normes et de référentiels de « bonnes pratiques ». Ne nous méprenons pas, leurs niveaux de maturité sont des mises en garde : on ne fait pas tout, tout de suite… mais en fonction de son contexte et de ses priorités.

La combinaison de ces cinq prises de conscience fait de la gouvernance du SI une innovation.

Une innovation ou une « compil » ?

Y-a-t-il vraiment innovation ? Et si oui, où se situe-t-elle ?

Dans les années 80 - pour parler d’exemples vécus - l’élaboration d’un « fond de carte Métier » constituait une phase importante de tout Schéma Directeur SI. L’analyse [5] se poursuivait sur trois niveaux : conceptuel, organisationnel, informatique. Voilà un schéma d’urbanisme !

Les méthodes de conduite de projet sont pléthore. L’élaboration des scénarios relevait de l’alignement stratégique. Le bon sens et la capacité à négocier les priorités étaient déjà des « facteurs critiques de succès ».

Que le DSI qui ne s’est jamais fait incendier par un directeur métier parce qu’il ne pouvait pas mener son projet, nous jette la première version de son portefeuille.

Si de nouvelles tâches apparaissent sur les projets, amenées par les nouvelles techniques ou méthodes, elles ne visent pas directement le management du projet. Si ITIL connaît un succès foudroyant, les « bonnes pratiques » préconisées sont souvent - par définition- déjà connues des intéressés. La nouveauté d’ITIL, c’est le langage commun entre les différents acteurs, ce sont les principes de management, le fait de s’intéresser aux hommes à l’intérieur des processus.

Et si, dans cette période d’aversion aux risques (Sarbanes-Oxley), CobIT connaît un fort succès, sa couverture globale et sa démarche d’audit bien connue des DG et des Directions Financières y ont contribué. Les DSI ont donc étoffé leurs tableaux de bord.

Peut-on considérer qu’une innovation soit une compilation de refrains déjà connus ? Cela ne veut pas dire qu’il faille tout jeter. Mais la réflexion sur la valeur du SI, qui est la vraie question à se poser, a peu progressé.

La logique de l’auditeur n’est pas une réflexion sur le rapport entre la valeur et le coût, mais une logique de contrôle du résultat. L’auditeur mesure l’écart entre le prévu et le réalisé. Or, ce n’est pas le SI qui crée de la valeur, mais bien l’usage que l’on en a. Le SI ne représente souvent en pourcentage qu’un petit morceau de la dépense, mais représente un « levier de valeur » pour le métier.

Les nouveaux dispositifs ne sont donc pas si nouveaux. Ils ne viennent bien souvent que formaliser des pratiques connues depuis les débuts de l’informatique.

Gouvernance : quel niveau de maturité ?

D’après l’enquête 2006 de L’Institut de la Gouvernance des SI, la moyenne est moyenne : 2,5 sur 5, soit un début de formalisation.

Voici un condensé, partiel et partial, de quelques chiffres :
  • Un plan à moyen terme existe (80%) mais élaboré sans les métiers (50%).
  • Une instance de décision par la DG fonctionne (70%) mais 75% des projets lui échappent, d’ailleurs leur « business case » fait rarement référence aux processus métiers.
  • 10% des DSI ont mis en place un dispositif de mesure. 90% ont un Help Desk et 1/3 des contrats de service, mais ils ne sont pas alignés sur les enjeux du métier.
  • Les 3/4 des DSI ont un contrôle de gestion et autant facturent leurs services, mais seuls 50% ont une bonne visibilité sur les ressources par rapport aux besoins.
  • 1/3 ont adopté ITIL et 10% CMMI. Pourtant 85% ont un processus « officiel » de gestion de projet, qui n’est utilisé qu’une fois sur trois.
  • Faute de dialogue avec les métiers, un schéma directeur n’est utile que dans 15% des cas.
  • Les 2/3 des DSI ont une politique de maîtrise des risques, inefficace une fois sur deux, et adossée réellement à un référentiel moins d’une fois sur dix.
  • Enfin, la gestion des compétences et les opportunités d’externalisation ne sont traitées que dans 20% des cas.
Conclusion : des marges de progression importantes sont envisageables De gros efforts restent à faire sur la formalisation du besoin, sur l’architecture, sur les chiffrages et l’évaluation de l’avancement, sur l’analyse de la valeur et le pilotage par les risques …

Attention, il est flou !

Hier, une forme d’industrialisation dans les salles blanches déployait des automates. Aujourd’hui, l’innovation vient d’un langage partagé, d’un potentiel de mobilisation et d’un mode de management par les processus. Comme toutes initiatives sur l’humain, les rendements sont croissants, mais c’est moins simple à installer…

Pendant ce temps-là, les opinions convergent progressivement sur la notion de valeur du SI. L’informatique ne peut générer que des coûts, et des opportunités. Seul l’usage génère les retours sur investissement.

La seule question reste : comment ? Ne nous détournons pas du problème en regardant des solutions. Par exemple, toute méthode de conduite de projet préconise un bilan de projet. Comment est-ce mis en oeuvre et exploité ? Qui a fait ce diagnostic ?

Philippe Lemoine place l’avantage compétitif dans la capacité à utiliser intelligemment cette ressource banalisée que sont les progiciels [6]. Ceux qui gagneront seront ceux dont les collaborateurs utilisent efficacement 40 ou 60% des mêmes fonctionnalités plutôt que 20%.

Un ERP est-il un déclencheur ou un étouffoir d’inno-vations organisationnelles ? s’interroge Philippe Lorino [7]. Certains considèrent l’intégration informatique comme un problème kafkaïen, alors que d’autres pensent qu’elle impose aux différents métiers de mieux travailler ensemble, transversalement aux processus.

Aujourd’hui, la majeure partie des projets « métier » ou d’organisation possède une composante informatique importante. Les problèmes rencontrés tournent autour de la difficulté des relations entre les représentants « métiers » (MOA) entre eux et avec les informaticiens : ces différentes populations ont du mal à collaborer ensemble, notamment sur des sujets « flous ».

La pertinence de l’investissement crée la valeur du SI. Les dispositifs très formels de la gouvernance des SI traitent essentiellement de l’efficacité et de la productivité de l’informatique. Mais que nous proposent-ils quand les idées ne sont pas claires sur les opportunités et les besoins, et que les contributions de chacun ne peuvent être prescrites à l’avance ?

Rien, sauf d’aller les éclaircir ailleurs. Allons-y.

La gouvernance de l’innovation organisationnelle

D’après les sociologues des organisations [8], chaque projet informatique devrait être un espace de délibération à l’intérieur duquel évoluent désormais les acteurs du changement, au sein desquels naissent les innovations et les conditions négociées de leur mise en œuvre.

Cela justifie-t-il les dérives dans les phases de cadrage, et l’instabilité chronique des cahiers des charges ? Les acteurs « métier » attendent le démarrage du projet « informatique » pour initier leurs « délibérations », envisager les innovations et « négocier » les conditions de mise en œuvre.  Ils ont raison puisque l’informatique est un vecteur majeur de transformation !

Pendant ce temps, les informaticiens, scrupuleu-sement formés au respect de démarches toujours plus formelles, tracent les modifications sur le périmètre et ses « exigences », calculent les impacts et les dérives. Leur désappointement personnel et les pertes de confiance envers leurs interlocuteurs ne figurent jamais sur les tableaux de bord du projet « informatique »…
Les démarches sur la gouvernance de l’innovation organisationnelle doivent être diffusées à tous les niveaux de l’organisation, et notamment aux niveaux les plus hauts.

On se souviendra d’une étude [9] du Cigref identifiant trois types de relation entre le DSI, la DG et les Directions Métier (DM) :
  1. Communication du DSI vers la DM : reporting extensif et mode de gouvernance, mais incompréhension sur le fond et rejet de responsabilité ;
  2. Compréhension entre le DSI et la DM : utilisation de référentiels métiers, relations personnalisées d’égal à égal ;
  3. Confiance entre le DSI et la DM : le SI est dans la gouvernance du métier (et pas l’inverse !), progrès continu et processus de décision.
On notera aussi qu’au-delà de son rôle de facilitateur des rapports DSI-DM, un DG ressent surtout le besoin de parler à son DSI quand il y a « problème informatique »…

Force est de constater que ces deux populations – représentants du métier et informaticiens – ne se rencontrent que dans ces contextes très « serrés ». Ces moments sont peu propices à la réflexion prospective, à la pratique de l’analogie, de transposition, à la pratique de l’essai-erreur. Or, ses logiques floues sont inhérentes à toute logique d’innovation.

Si l’innovation ne se décrète pas, on peut améliorer ses conditions d’émergence. C’est l’objectif de la gouvernance de l’innovation organisationnelle. La gouvernance de l’innovation organisationnelle ne s’oppose pas aux différentes approches formelles. Elle leur apporte une vision centrée sur les acteurs, et leurs nécessaires collaborations.

Cette démarche d’organisation et de management s’inscrit dans le long terme. Travaillant sur l’humain et les organisations, leurs applications ne peuvent être très bien « packagées » mais les avantages qu’elles procurent sont à rendements croissants : plus on coopère, plus on coopère simplement, et plus les coopérations sont efficaces !

Le processus qui n’existait pas

On cherchera donc à ne pas oublier les acteurs et les instances, leurs responsabilités et leurs compétences (leurs motivations aussi !), leurs rôles multiples et évolutifs en fonction de la chaîne de valeur du SI. Des concepts, démarches et outils existent sur ce terrain, encore faut-il les mobiliser.

Par exemple, une thèse de doctorat [10] nous rappelle que la sociologie des organisations distingue traditionnellement trois types de structures :
  1. les structures cadrées,
  2. moyennement cadrées,
  3. faiblement cadrées.
Les structures cadrées peuvent être pérennes (comité de direction SI par exemple) ou temporaires (comité de pilotage d’un projet). Les structures moyennement cadrées sont constituées souvent de manière ad hoc, et leur durée de vie « officielle » est temporaire : les groupes thématiques sur un projet ou une résolution de problème.

Par nature, les formes faiblement cadrées relèvent d’interactions interpersonnelles entre un nombre relativement restreint de personnes : elles ne se décrètent pas, elles résultent d’une compréhension mutuelle et d’une capacité d’ajustement, donc d’une libre expression et une capacité de remise en cause des propositions de chacun.

Ces types de structure forment un système : l’ensemble est plus que la somme des parties. Les innovations naissent des formes faiblement cadrées, sont évaluées et émergent dans les structures moyennement cadrées. À condition que ces dernières existent, et donc qu’une forme cadrée les ait missionnées et qu’elle accepte d’adapter la mission en regard du potentiel des innovations rencontrées …



Peut-on avoir meilleure référence qu’un « créateur d’automobile » pour parler d’innovation dans un mouvement d’industrialisation ? On relira avec attention le best-seller de 1993 « L’auto qui n’existait pas » [11]. Il nous relate la vie du projet X06 : la première Twingo.

Évidemment, le Technocentre est un bel outil. Sur un même lieu, il réunit toutes les équipes concernées et tous les équipements pour concevoir, maquetter et prototyper. Mais aussi, combien d’entreprises citent le nombre de salles de réunion dans ses chiffres-clés ?

Les difficultés de mise en oeuvre d’un fonctionnement centré sur les acteurs sont de deux ordres : il n’y a pas de solution « toute faite », et le « temps de cycle » reste relativement long. Vu les enjeux de l’innovation, raison de plus pour s’y intéresser dès maintenant !

L’ascenseur est le mode de transport le moins risqué du monde, mais vous conviendrez qu’il est peu ouvert sur votre environnement et que son agilité face aux changements de direction reste très limitée …

Questions et débat


Que proposez-vous ?

Cette question entame le débat : la gouvernance ne risque-t-elle pas de tuer l’innovation en imposant trop de contrôles.
Nous savons que trop de formalismes tue l’innovation, qu’innover c’est prendre un risque.
Ce sont les relations interpersonnelles qui suscitent les innovations.
Pour innover vraiment, il faut beaucoup de temps, ce qui est d’autant plus paradoxal que les projets sont de plus en plus courts avec une demande de création de plus de valeur, plus vite…
La réponse des orateurs est qu’il y a un besoin de respiration, qu’il faut prendre du temps si l’on veut réellement gouverner et innover.

Le témoignage de Nord Zoulim

Nord Zoulim nous le confirme : il n’y a rien de neuf depuis 10 ans. S’appuyant sur son expérience passée de DSI d’une entreprise publique il insiste sur le besoin d’une vision partagée pour tous les acteurs. Il faut savoir qui est responsable de quoi ? Qui décide quoi ?

Le premier besoin pragmatique est celui de l’établissement d’une matrice de responsabilités et aussi le fait que les responsables doivent participer aux prises de décision (ne serait-ce donc pas le cas dans certaines entreprises ?).

Les deux leviers à actionner sont le bon sens et les hommes. Le terme de gouvernance doit être également pris au sens de contrôle parce qu’il faut bien rendre des comptes : les gains doivent être mesurés.

On savait déjà beaucoup de choses il y a 10 ou 15 ans. Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui les dispositifs méthodologiques se revendiquent de la gouvernance et cherchent à s’implanter concrètement dans les organisations.

La grande question est donc la conduite du changement, liée aux difficultés à faire évoluer les comportements :
  • Hier on avait des méthodes de conduite de projet très théoriques qui restaient sur l’armoire ; on n’écoutait pas vraiment les méthodologues :
  • Aujourd’hui on est plus pragmatique ; le besoin de méthodologie revient, associé à un objectif d’industrialisation. L’innovation se situe dans la manière de déployer les méthodes.
La nouveauté porte sur la manière de considérer les projets informatiques : l’objectif de l’entreprise, c’est de transformer l’organisation ; le projet informatique n’est là que pour servir des projets de changement organisationnels. Une difficulté majeure est que la Maîtrise d’ouvrage ne sait pas ce qu’elle veut précisément. Elle connaît ses objectifs mais ne sait pas faire des spécifications (ce n’est pas son métier).

Le message de Nord Zoulim se résume en un conseil qu’il applique à son discours : « bon sens et simplicité ».

Soutien de la DG et rapport au pouvoir

Toute démarche d’entreprise ne peut réussir qu’avec le soutien de la DG. Cette affirmation est-elle toujours vrai ?
Nord Zoulim ne le pense pas et demande, pour sa part, pourquoi le DG aurait-il un soutien particulier vis-à-vis du DSI. L’appui de ses collègues ne serait-il pas plus important ?

Dans les 10 dernières années, le pouvoir s’est déplacé : les informaticiens ont dû laisser la place aux maîtrises d’ouvrage. Chacun essaie de jouer son rôle dans un équilibre toujours précaire. Les directions métiers sont toujours méfiantes vis-à-vis de l’informatique et ont besoin d’être mises en confiance.

Il faut bien reconnaître, comme le fait remarquer l’un des participants, que les informaticiens ont agi comme des techniciens et pas des gestionnaires, et sont longtemps restés dans leur tour d’ivoire. On ne leur avait, d’ailleurs, pas demandé autre chose.

L’évolution porte aujourd’hui sur l’implication dans les métiers. Chacun doit contribuer à la valeur globale de l’entreprise.

Conclusion

La conclusion de cette rencontre pourrait être que « rien n’est constant sinon le changement » et que le problème central des systèmes d’information et de leur gouvernance est celui de la conduite du changement.

Le monde change ; nos interlocuteurs de demain sont nos enfants, baignés dans la culture de l’interactivité où jeu et culture sont intimement mêlés. Le jeu serait-il l’avenir de l’informatique ? Cette question termina la soirée.


Alain GUERCIO

Texte publié initialement dans la Lettre de l'ADELI avec l'aide de Martine OTTER

[1]  IGSI : Institut de la Gouvernance des SI

[2]  Récemment : « Guide d'évaluation de l'impact des TIC sur mon entreprise" du MEDEF – octobre 2006

[3]  « Sur l'économie de l'immatériel », rapport Lévy-Jouyet remis au Ministre des Finances en décembre 2006

[4]  « Votre informatique est-elle rentable ? » Fustec-Ghenassia, les éditions d’organisation - 2004

[5]  Merise (1974) … déjà !

[6]  « Le prix de la ressource humaine » Le Monde du 1er sept 2006

[7]  « Les progiciels de gestion ERP : étouffoir ou déclencheurs ? » L’art de l’innovation - Les Echos du 29 juin 2006

[8]  « Le mythe de l’organisation intégrée » - D. Segrestin chez PUM, cité par « Les grands projets dans le trou noir du changement » par C. Deshayes de Documental, dans JDN Solutions du 19 septembre 2006  

[9]  Dynamique des relations autour des systèmes d’information dans les équipes de direction des grandes entreprises françaises – Cigef / McKinsey 2004

[10]  Formes de socialisation dans la conception automoblie - le cas de Renault -  par Anca BOBOC – Ecole Nationale des Ponts et Chaussées - 2002

[11]  L'auto qui n'existait pas - de Christophe Midler - InterEditions, 1993 



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