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« PETITS ÉCRITS » SUR LE MANAGEMENT : le blog

Non Monsieur Niel, la voix et le SMS ne valent pas zéro !

Les français sont ignares en économie. C’est probablement vrai puisque tous les experts, professeurs,  politiques,  journalistes et chefs d’entreprise le disent … Est-ce grave, docteur ? Et si c’est le cas, quels exemples nous proposent nos « élites » ? Vendredi 12 avril, l’invité de l’économie de Radio Classique était Xavier Niel, patron de Free et agitateur régulier du secteur Internet et Telecom. Je suis chez Free mais là, je n’ai pas tout compris.

Soyons transparent,  je ne cherche pas à polémiquer avec Xavier Niel et je n’ai aucune légitimité en économie et particulièrement en économie des télécoms. Mon billet vise juste à souligner qu’il emploie - comme vous et moi - des expressions courantes sur lesquelles nous devrions réfléchir un peu plus souvent, et particulièrement quand on parle de compétitivité dans les secteurs d’avenir.

Pendant son interview, Xavier Niel a déclaré « la voix et le SMS valent zéro » et cette phrase a fait des titres dans des journaux économiques tels Les Echos et l’Expansion. Quelque chose n’allait pas. Comme il l’a dit lui-même, il faut aller au bout de raisonnement. Allons-y !

Le bonheur, c’est simple comme un coup de fil [1]

Dans le monde hyperconcurrentiel d’aujourd’hui, on commencera naturellement par se mettre à la place du client. Le taux d’équipement  très élevé (88% en mobile) illustre le très haut niveau d’importance d’une conversation téléphonique ou d’un SMS  pour le consommateur. Vous pouvez aussi faire un test : criez « j’ai oublié mon portable » et observez les visages compatissants …

Cette importance accordée par le client final aux biens ou aux services s’appelle la valeur d’usage, ou valeur d’utilité. Elle combine souvent des arguments rationnels comme les fonctionnalités, les performances, la disponibilité, … avec des considérations plus irrationnelles.

Nous n’avons pas les mêmes valeurs[2] mais peu d’entre nous estime que « la voix et le SMS valent zéro » comme l’affirme Monsieur Niel.

Les coûts. Oh, ça fait mal ! [3]

Nos économies de marché fonctionnent sur la distinction entre le prix de vente proposé par le vendeur et cette valeur d’usage perçue par le client, qui en justifie le paiement à ses yeux. Bien sûr et même dans un monde hyperconcurrentiel, aucun marché n’est jamais parfait.

Symétriquement, le prix de vente proposé par le fournisseur doit couvrir tous ses coûts (ou charges) et si possible lui laisser un peu de bénéfice pour investir, payer des impôts, et accessoirement rémunérer ses actionnaires. C’est aussi vrai pour Free.

On parle souvent à tort de « prix de revient ». Il vaut mieux parler de « coût de revient » car il est formé par une addition de coûts supportés par le fournisseur. Bien sûr, quand le fournisseur achète lui-même des biens ou services, les prix qu’il a négociés avec ses propres fournisseurs deviennent des coûts. Vous me suivez toujours ?

Le cas le plus simple est celui du marchand qui achète d’un côté pour revendre (plus cher) de l’autre. Ce n’est certainement pas le cas le plus courant. Tout cela se complique dès qu’il y a une opération de conception, fabrication, transformation, exécution, information, stockage, transport, livraison, mise à disposition, accompagnement, … Bref, une valeur ajoutée.

Les contrôleurs de gestion distinguent d’une part les coûts directs et les coûts indirects selon qu’on peut les affecter ou pas à un produit ou un service en particulier, et d’autre part les coûts fixes et les coûts variables selon qu’ils varient ou pas en fonction du nombre de produits ou services.                                      


Rien, c’est rien. Mais trois fois rien, c’est déjà quelque chose [4].

Pendant longtemps, la proportion des coûts variable directs (matière, main d’œuvre) permettait de négliger la répartition des autres types de coûts.

Aujourd’hui, l’élaboration d’un modèle de coûts avec ses clés de répartition est devenue moins triviale. Cela peut même devenir déroutant dans certains secteurs, et notamment dans l’informatique, les télécoms et l’Internet.

Dans ces domaines, les coûts variables directs ont tendance à tendre vers zéro. Quand l’infrastructure est opérationnelle, quand le logiciel fonctionne, quand le site web est bien connu, le coût marginal d’usage d’un client supplémentaire devient vite négligeable.

Par exemple, quand on dispose d’une infrastructure qui permet d’échanger plus de 3,3 milliards de SMS[5], un SMS supplémentaire ne coûte rien. C’est probablement ce que voulait nous dire Xavier Niel : « la voix et le SMS coûtent zéro ».

Le moment choisi pour le dire est le plus déroutant. L’infrastructure de Free Mobile est en cours de déploiement et Orange est payée pour couvrir ses besoins en attendant. A chaque fois, on parle en milliards d’euros. Bref, trois fois rien …

Alain GUERCIO

A partir de ce vendredi 19 avril 2013, vous trouverez dans les meilleures librairies  l’ouvrage « VALEUR(S) & MANAGEMENT : des méthodes pour plus de valeur(s) dans le management » qui est le résultat des travaux de 19 spécialistes (dont votre serviteur) de méthodes d’optimisation de la performance d’entreprise et qui est préfacé par Joël de Rosnay.

L’interview de Xavier Niel sur Radio Classique : http://videos.lesechos.fr/news/invite-business/l-invite-de-l-economie-xavier-niel-iliad-2294924103001.html

L’article sur Les Echos : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202702810884-pour-xavier-niel-la-voix-et-le-sms-valent-zero-558065.php

L’article sur l’Expansion : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/xavier-niel-la-voix-et-le-sms-valent-zero_380023.html

Les chiffres sur les SMS http://www.planetoscope.com/electronique/718-nombre-de-sms-envoyes-dans-le-monde.html

Le blog de « Valeur(s) et Management » : http://valeursetmanagement.com/


[1] Pour les plus jeunes, je rappelle que l’expression « Le bonheur, c’est simple comme un coup de fil » vient  d’une veille pub de France Telecom (Orange). Et pour les plus jeunes encore, je précise qu’à l’origine les téléphones avaient absolument besoin d’un fil …

[2] Cette expression vient aussi d’une ancienne pub, mais pour des rillettes … sans rapport immédiat avec les télécoms (à ma connaissance)

[3] Allusion à la chanson de Johnny Halliday « Les coups »

[4] Raymond Devos dans « Parler pour ne rien dire » : Une fois rien ... c'est rien Deux fois rien ... c'est pas beaucoup ! Mais trois fois rien ! ... Pour trois fois rien on peut déjà acheter quelque chose ! ... Et pour pas cher !

[5] Estimation de l’ARCEP  pour la France en 2009, soit 2.000 par seconde.

Article publié initialement sur Le Cercle des Échos




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