Vous vous appuyez beaucoup sur le « design de service public », le fait de partir de l’expérience des utilisateurs, de construire avec eux les services et de les tester au fur et à mesure. Ce n’est pas gadget ?
Quel est l’enjeu ? Si nous n’y prêtons pas garde, la révolution numérique va saper les fondements de l’Etat. Les routes, les relais de poste, ont permis aux Etats d’organiser les territoires et de déployer une souveraineté politique. Ce sont maintenant les « infostructures » qui agencent les nouveaux pouvoirs. Si l’administration continue d’ignorer ces mouvements à l’œuvre, demain, ce seront peut-être Le Bon coin et Amazon Mechanical Turk qui assumeront la fonction de Pôle emploi. Ces plateformes sont aujourd’hui en concurrence avec les services publics.
Il faudra donc mettre les services de l’Etat au niveau. Et en cela, il faut être très pragmatique. Dans le cas de la refonte du dossier médical personnel (DMP), les réunions portaient sur un débat théorique. A la fin, on a un super cahier des charges, mais il faut vingt ans pour le déployer. Faire du design de service public, c’est au contraire avancer de manière pragmatique.
Donc, c’est un changement de culture de l’administration, avec le risque que cela accompagne le désengagement de l’Etat ?
Le monde numérique rejaillit avec sa culture d’efficacité, de simplicité, sur le monde physique. Dans l’administration, il y aura des gains de productivité. Dans des tas de services, il y a de l’automatisation à faire. La dématérialisation ferme des guichets, mais cela permet le redéploiement, la création de nouveaux métiers, comme les médiateurs, pour les publics moins à l’aise avec le numérique. Je ne dis pas que le solde sera stable, c’est un sujet politique. Je ne me positionne pas là-dessus.