Jeremy Rifkin est de retour : après la « troisième révolution industrielle », il entrevoit rien de moins que la fin du capitalisme ou presque, pour cause de gratuité universelle des communications, de l'énergie et des objets, dont les coûts de production tendraient vers zéro.
La thèse séduit, chacun y trouve son compte : pourfendeurs d'un fordisme exploiteur, hédonistes qui n'y verront aucune remise en cause de la consommation ou de la mobilité (au contraire, tout y sera gratuit), industriels alléchés par de nouveaux marchés, écologistes naïfs misant sur une énergie propre et abondante... Que le futur semble radieux ! Malheureusement, Rifkin possède un penchant courant chez les économistes : à aucun moment ne l'effleure la question de la disponibilité des ressources physiques, ou de la réalité matérielle de ses réflexions.
(...) C'est sur le volet énergétique que Rifkin reste le plus irréaliste. Sa métaphore d'un Internet de l'énergie fleure bon l'économie « dématérialisée » et lui permet d'esquiver les questions trop concrètes. Las, on ne stocke pas l'énergie aussi aisément que des octets, il n'y a pas de loi de Moore énergétique. Pour produire, stocker, transporter l'électricité, même « verte », il faut quantité de métaux : platine des piles à hydrogène, néodyme des éoliennes ou des voitures électriques, sélénium et indium des panneaux solaires... et bien d'autres métaux rares déjà utilisés en électronique, dont la demande exploserait avec une généralisation des « smart grids », des objets connectés et du Big Data. L'offre minière, déjà contrainte, ne pourrait pas suivre.
(...) Nous sommes fascinés par les nouveautés high-tech, alors qu'elles nous éloignent des possibilités de recyclage efficace, et qu'il faudrait au contraire innover avec des basses technologies, plus basiques et moins performantes.